Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal

Introduction L’accélération de l’action militaire dans le conflit malien, avec le déclenchement de l’opération Serval, le 11 janvier 2013, la mise en place de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), et les préparatifs en vue d’une mission des Nations Unies, induisent de nouvelles dynamiques sécuritaires en Afrique de l’Ouest et au-delà. Désormais, sur le champ de bataille de la région sahélo-saharienne, les pays contributeurs de troupes ou soutenant l’intervention militaire s’exposent à des menaces de différentes natures. Cette situation soulève des inquiétudes, aussi bien dans les cercles religieux, politiques que sécuritaires. Dans nombre de pays de la sous-région, on s’interroge quant au niveau de préparation des services et forces de sécurité pour faire face à la menace terroriste et aux possibles connexions entre l’« internationale jihadiste » qui a pris racine dans le Sahel et des groupes radicaux actifs ou dormants dans les différents pays. Au plan géographique, le Sénégal est un continuum de l’espace sahélo-saharien. Des ressortissants sénégalais, pour certains des candidats malheureux à l’immigration, ont été signalés dans les rangs des jihadistes au Mali, pays de transit vers l’Europe pour de nombreux migrants clandestins1. Sur le plan sociologique, il y a eu un brassage culturel des populations maliennes et sénégalaises que l’Histoire a réunies une première fois au sein de l’empire du Mali puis, au début des indépendances, dans la Fédération du Mali. L’islam est un autre vecteur qui rapproche ces deux nations. L’itinéraire d’El Hadj Oumar Tall au Mali, de Nioro aux falaises de Bangadiara, est jalonné de foyers religieux de la Tidjaniya. Les adeptes de la Qâdiriyya Kuntiyya de Tombouctou sont de la même famille confrérique que les disciples de Ndiassane (près de Tivaouane au Sénégal). De nombreux Maliens assistent chaque année au Gamou, pèlerinage organisé par cette confrérie pour la célébration de la naissance du prophète de l’Islam, Mohamed. Dans une telle configuration sociologique et culturelle, on peut légitimement se demander si le Sénégal, pays voisin du Mali, fortement islamisé et traversé par de nombreux courants notamment salafistes et wahhabites, de surcroît contributeur de troupes à la MISMA, est directement menacé ou s’il peut également devenir un théâtre d’opérations ou une zone de repli. Le présent rapport s’interroge en particulier sur l’existence de mouvances religieuses radicales au Sénégal qui pourraient entreprendre des actions violentes à la faveur du contexte régional et de circonstances imprévisibles. Sur le plan méthodologique, cette étude préliminaire repose sur une veille médiatique, sur des entrevues semi-structurées avec les acteurs et sur une enquête d’opinion publique reposant sur 400 questionnaires, menée en février et mars 2013 à Dakar et dans sa banlieue, dans la ville et le département de Saint-Louis ainsi qu’à Thiès et à Mbour. Étant donné la difficulté de mesurer un phénomène comme le radicalisme, l’approche retenue a été celle d’une analyse qualitative des discours recueillis dans le cadre des entretiens et des questionnaires.