BILآL d'AFRIQUE Le Muezzin du Prophète (P)

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Abbas Ahmad Bostani

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C. P. 712, Succ. (B)Montréal, Québec, H3B 3K3Canada

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BILآL d'AFRIQUE Le Muezzin du Prophète (P)

Bilâl Guidé par la fitrah ou la nature innée

La Biographie de Bilâl l'Ethiopien fait partie intégrante de l'histoire des premiers temps de l'Islam. Sa vie et sa conversion à la Foi musulmane révèlent une tranche importante de cette histoire. Bilâl n'était pas simplement un Compagnon du Prophète parmi bien d'autres. Il s'en détachait par des traits qui lui étaient propres.

Tout d'abord Bilâl figurait parmi la première poignée d'hommes à avoir capté la lumière de l'Islam, à adhérer à son Message, à subir par conséquent la foudre des polythéistes qui régnaient sur la Mecque et l'Arabie, et à constituer le premier noyau de la future Communauté. Ce noyau qui comptait comme non-arabes, outre Bilâl, notamment Salmân le Persan et Sohayb le Romain, annonçait déjà le caractère universel de l'Islam né au coeur d'une Arabie où la race, l'origine, l'appartenance tribale, la haute naissance s'affirmaient comme les plus hautes valeurs de la société. Fait significatif, à signaler au passage, Bilâl sera choisi par le Prophète comme muezzin attitré de la communauté musulmane grandissante. C'est là une position unique et enviable. Elle équivalait à la fonction de héraut de l'Appel de l'Islam dont la colonne vertébrale et la manifestation la plus saillante était la Prière. Et c'était justement Bilâl qui convoquait en quelque sorte, la foule des Compagnons au rassemblement en vue de la Prière communautaire cinq fois par jour, puisqu'il avait la charge de l'"Azan", l'"Appel à la Prière".

Bilâl incarne ensuite, mieux que quiconque un, aspect à la foi douloureux et héroïque de l'histoire ou de la vie des pionniers de l'Islam, soumis aux persécutions sauvages et impitoyables des polythéistes mecquois et faisant montre d'une résistance stoïque. En effet, la conversion de Bilâl se résume en une suite de séances de torture, de supplices et de souffrances physiques insupportables que son maître lui a infligés pour qu'il renie la Religion de Mohammad (P) et auxquels Bilâl a opposé une résistance quasi surhumaine, nourrie constamment par l'effet transcendant d'une foi inébranlable. Bilâl était condamné à mourir sous la torture, à moins qu'il ne renone à sa foi, mais la joie de conserver celle-ci le transcendait et le rendait insensible à la douleur et indifférent à la mort, ce qui ne manqua pas de déconcerter et de décontenancer ses bourreaux polythéistes qui, en le soumettant à cette torture barbare, croyaient avoir toute latitude pour étouffer dans l'oeuf les prémices d'une révolution inexorable, .

Enfin, l'origine africaine de Bilâl, son statut social, son état spirituel et intellectuel avant sa conversion à l'Islam, confèrent à celle-ci une signification particulière et appellent à une réflexion sur l'attirance spontanée et naturelle des Africains pour l'Islam, et sur la raison de cette attirance.

Avant sa conversion à l'Islam, Bilâl était un esclave rangé, et menait une existence tranquille, normale et sans histoire. Pas plus son environnement familial que le milieu social ne l'incitaient à une velléité de contestation de son destin ou de son statut. Esclave de naissance, c'est-à-dire né de deux parents eux-mêmes esclaves et vivant en harmonie et en paix chez leurs maîtres, Bilâl n'a jamais connu d'autre statut que le sien.

Ayant grandi dans une société où la principale activité des gens était les razzias dont le but ou le butin consistait en l'asservissement des victimes (lorsqu'elles n'avaient personne pour payer la rançon de leur libération) et la confiscation de leurs biens, il ne voyait rien d'anormal dans son statut d'esclave ou son destin, somme toute courant et ordinaire à l'époque antéislqmique et obscurantiste. Par ailleurs, tout comme ses parents qui avaient été bien notés et bien appréciés par leurs maîtres, Bilâl donnait entière satisfaction à ses derniers, lesquels lui confièrent subséquemment la tâche de la supervision de leur propriété et de leur temple. Et n'ayant ni une volonté libre ni une pensée indépendante, il n'a connu que la religion polythéiste à laquelle il avait adhéré automatiquement et qu'il pratiquait sincèrement.

Rien ne prédestinait donc Bilâl à vouloir changer de croyance ou de pensée un jour, ou à un volte-face aussi radical. Pourquoi cette prise de conscience soudaine, déconcertante pour son entourage, dès qu'il a entendu le Message de l'Islam? Pourquoi s'être détaché de ses semblables, de sortir des rangs, et de défier ses maîtres, ainsi que la foule des polythéiste qui l'entourait et qui peuplaient l'Arabie pour se placer parmi les tout premiers à oser souscrire au Message du Prophète Mohammad (P), et à abdiquer une religion qu'ils avaient toujours pratiquée avec dévotion?

Lorsque son maître s'est mis à le martyriser pour qu'il renonce à sa nouvelle croyance, Bilâl, agonisant ne laissa échapper qu'un mot à peine audible qui semblait sortir du plus profond de son être: Ahad! (Allâh est Unique!) Ahad! Ce cri pathétique, chargé de symbole et lancé comme un défi à la figure arrogante des polythéiste traduit une vérité infrangible et révèle en fait le lien naturel et indestructible entre la Créature humaine et son Créateur qui a déposé dans sa nature cette tendance innée au monothéisme dont l'Islam incarne toutes les dimensions et dont Bilâl fournit la meilleure illustration.

En effet, selon le Coran, la Croyance à l'existence d'Allâh, le Créateur Unique, est une affaire de "fitrah", de nature innée:

«Dirige tout ton être vers la Religion exclusivement (pour Allâh), telle est la nature qu'Allâh a originellement donnée aux gens - pas de changement à la création d'Allâh...».(1)

Commentant ce verset coranique l'Imam Ja'far al-Sâdiq dit: «La nature d'Allâh (fitrat-ullâh), c'est la faculté à connaître la Foi, qu'Allâh a déposée dans la nature humaine. Et c'est ce qui explique pourquoi Allâh a dit dans un autre verset coranique: Si tu leur demande: "Qui a créé les cieux et la terre? ils diront, certes: "Allâh".(2) ».(3)

Donc pour le Coran, croire qu'Allâh est le Créateur de l'univers est une évidence:

«Y a-t-il un doute au sujet d'Allâh, Créateur des cieux et de la terre ...».

«De cette façon, commente al-'Allâmah al-Tabâtabâ'î, le Coran indique que le Créateur n'a pas besoin d'être démontré, ou plutôt IL est indémontrable, étant l'Existence infinie. De là l'impossibilité, pour l'esprit humain fini de l'atteindre et pour la raison humaine limitée de Le cerner. C'est pour cette raison que nous constatons qu'Il ne cherche pas à établir dans le Coran une démonstration de la Substance de Son تtre, mais seulement de Ses Attributs en montrant que cet univers a forcément un Créateur, un Seigneur, un Constructeur, une Référence etc.».

D'aucuns pourrait objecter que si la Foi en Allâh est déposée dans la nature innée de l'homme, pourquoi il arrive qu'elle se fane, s'éclipse ou même s'éteigne totalement comme cela se produit chez les athées?

A cette objection le Coran répond préalablement en déclarant que la Foi pourrait être voilée ou ensevelie par l'accumulation des "sécrétions" des désirs, des tendances et des concepts pervers, ce qui conduit à une maladie de "coeur": «Il y a dans leurs coeurs une maladie, et Allâh laisse croître leur maladie...».(6) Et lorsque le "coeur" est malade, la vue intérieure, (la clairvoyance) se dissipe, la conscience s'abêtit et s'abrutit, et l'homme manque de discernement: «Leur coeur ont été scellés: ils ne comprendront donc pas».

Développant cette vérité coranique, le Prophète (P) dit: «Tout nouveau-né naît selon la nature innée (c'est-à-dire Musulman). Ce sont ses parents qui en font un Juif, un Chrétien ou un adepte des Mages».

Par conséquent, l'hérésie et la déviation s'introduisent dans la nature innée sous l'effet du milieu, de l'environnement et de l'ensemble des circonstances de lieu et de temps.

Toutefois cette déviation et cette hérésie n'éradiquent ni n'anéantissent la nature innée, mais la détournent de sa voie ou de sa fonction originelle et l'affectent dans une autre fonction, étant donné qu'il est impossible de la supprimer: «Telle est la nature qu'Allâh a originellement donnée aux hommes - pas de changement à création d'Allâh».

De là apparaît à l'évidence le rôle primordial des Prophètes dans la vie de l'humanité, car l'arrêt de la fonction de la nature innée aboutit aux flétrissures de la doctrine du monothéisme, et par voie de conséquence, à la dégradation de la vie sociale de l'humanité, sous l'effet de la domination des doctrines polythéistes. Et là les Prophètes interviennent pour réveiller la nature innée, détruire les accumulations des voiles et libérer l'esprit de ses chaînes. Décrivant la mission des Prophètes, l'Imâm 'Alî (p) écrit: «Allâh a envoyé Ses messagers aux gens périodiquement afin de leur faire respecter le pacte de Sa Nature (Création), de leur rappeler ce qu'ils ont oublié de Ses Bienfaits, de leur communiquer Ses Preuves, de faire ressortir ce qui est enterré dans leurs esprits, de leur montrer les Signes de Sa Puissance dans la voûte céleste élevée au-dessus de leurs têtes et sur la terre qui leur sert de demeure, et à travers les ressources qui assurent leur subsistance, et les échéances de leur périssement... ».

Ce texte dévoile clairement la nature de la mission des Envoyés, laquelle consiste à éveiller la conscience des gens afin qu'ils se réveillent et sortent de leur apathie, de leur insouciance et pour qu'ils se conforment aux exigences du monothéisme, lequel est inscrit dans leur nature innée. Car en fait le Messager d'Allâh ne demande pas aux gens de croire à des doctrines étrangères à leur for intérieur, mais à leur nature innée en dépoussiérant celle-ci et en la débarrassant des "voiles" qui l'ont entourée et des sédiments successifs apportés par les croyances déviationnistes. Lorsque l'Imâm 'Alî (p) dit que le Messager a pour mission de "ressortir ce qui est enterré dans les esprits", il entend la clairvoyance originelle, la conscience naturelle ou la vue intérieure, et c'est de cette façon et par ce moyen qu'Allâh «les fait sortir des ténèbres vers la lumière».

Bilâl avait suivi la croyance de ses maîtres, comme il les avaient suivis dans tous les autres domaines de la vie, mais dès qu'il a entendu le Message de l'Islam le voile qui masquait son coeur et son esprit s'est dissipé et le lien originel entre la tendance au monothéisme immanente à la nature humaine et le Message monothéiste que le Prophète (P) a apporté s'est rétabli immédiatement. Dès lors, comme on le verra, ni la torture impitoyable à laquelle il sera soumis ni la menace de la mort qui semblait imminente ne pourront briser ce lien. Lorsque Bilâl entendit le Message de l'Islam, il sembla découvrir le sens de la vie, la signification de son existence et une parfaite concordance entre les tendances de sa nature et les préceptes islamiques.

Bilâl n'avait ni une pensée libre, ni une instruction au-dessus de la moyenne, ni une conscience plus éveillée que celle de son entourage. S'il s'est détaché de l'ensemble de la société pour se placer parmi les premiers à répondre à l'Appel de l'Islam, à avoir une prise de conscience de l'aberration de la voie dans laquelle il marchait, c'est sans doute parce que les voiles qui masquaient sa nature innée étaient moins épais que chez bien d'autres.

Son origine africaine ne pourrait-elle pas expliquer cette présence ou cette transparence de la nature originelle où l'inné reste le caractère prédominant même lorsqu'il se trouve en état latent ou revêtu de l'acquis? Bilâl était le premier représentant de l'Afrique parmi les premiers adeptes de l'Islam naissant. Sa conversion à cette religion monothéiste universelle était on ne peut plus spontanée et volontaire, loin de toute incitation matérielle, psychologique ou sociale. Depuis lors et jusqu'à nos jours cette attirance spontanée des Africains pour l'Islam ne s'est jamais démentie, malgré toutes les tentatives faites à travers les siècles pour les en détourner et malgré les incitations sous toutes formes et le lavage de cerveau systématique en vue de les orienter ailleurs et vers d'autres horizons doctrinaux et d'autres croyances.

D'autre part, restés proches de la nature, et imprégnés sans doute par les lois harmonieuses qui la régissent, les Africains sont peut-être attirés par la concordance parfaite entre le législatif et le constitutif dans l'Islam, ou en d'autres termes, par le réalisme de la législation islamique qui «vise dans ses lois et règlements des buts qui s'accordent avec la réalité humaine, sa nature, ses penchants et ses caractéristiques générales», sans imposer à l'homme des codes de conduite qui ne reflètent pas sa nature et ses inclinations, car elle incarne minutieusement la nature de la constitution de l'homme, et représente l'autre face de cette constitution. Tous les règlements, les lois et les règles morales de l'Islam ont des racines qui s'enfoncent dans l'essence de l'homme, c'est-à-dire dans sa nature innée, car ils remontent en fin de compte au monothéisme, lequel est une affaire de nature innée et celle-ci constitue le fondement de la société monothéiste».

C'est sans doute ce que la nature de Bilâl, restée pure et transparente malgré les voiles qui l'ont masquée pour un temps, a saisi d'emblée, et c'est ce qui explique la promptitude et la spontanéité de la conversion à l'Islam de ce premier représentant de l'Afrique. Telle set peut-être l'une des premières leçons à tirer de la lecture de la biographie de Bilâl. L'éditeur